L’aide à la jeunesse, aveugle aux violences vécues par les mères ?

A Vie Féminine, on dit quoi ? Juin 2021


Les difficultés rencontrées par les femmes dans leurs relations avec les services d’aide et de protection de la jeunesse reviennent régulièrement dans le cadre du travail mené par Vie Féminine, notamment concernant le non-paiement des pensions alimentaires, les violences conjugales ou encore la précarité économique des femmes. Ces problèmes se sont exacerbés durant le confinement...


JPEG - 1.1 MioVie Féminine a été interpellée par des mamans sur la question spécifique du placement des enfants et des conflits récurrents entre les mères et les SAJ (Services de l’aide à la jeunesse) et SPJ (Services de protection de la jeunesse). De nombreux témoignages nous sont ainsi parvenus. Petit à petit, ce travail a pris de l’ampleur, de nouvelles femmes nous ont contactées et ont rejoint la dynamique. Les récits reçus et entendus ont alimenté notre réflexion et nourri notre travail. Certaines récurrences dans les dysfonctionnements relatifs à ces services nous sont ainsi apparues.

Premier constat
L’ampleur du problème. Ce ne sont pas seulement quelques mamans qui rencontrent des difficultés avec les services d’aide à la jeunesse, mais des dizaines de femmes vivant en Wallonie et à Bruxelles. Il s’agit donc, selon nous, d’un dysfonctionnement structurel se traduisant notamment par des conditions de collaboration ingrates (rendez-vous trop vite réalisés, conditions de confiance non réunies, etc.), mais aussi par une certaine lenteur dans la prise en charge, l’accompagnement et par un suivi lacunaire. Dans un tel contexte, il semble difficile d’atteindre l’objectif annoncé des services d’aide et de protection de la jeunesse : apporter une aide « personnalisée » aux jeunes et à leur famille.

Deuxième constat
Le manque de crédit accordé à la parole des mamans. Ces dernières attestent qu’elles font l’objet d’une stigmatisation importante et récurrente. Comme en témoignent aussi les différentes enquêtes publiées par axelle, ces femmes sont considérées tantôt comme folles, hystériques, manipulatrices, tantôt comme fragiles, désinvesties, en détresse. Les étiquettes désobligeantes pleuvent et poursuivent généralement les mamans tout au long de la procédure, orientant considérablement les décisions prises. De plus, on constate un manque de considération à l’égard des expertises médicales allant dans le sens des mères. Alors même que certaines d’entre elles ont pris l’initiative de contacter le SAJ pour solliciter une aide, elles se retrouvent accusées, doivent justifier leurs « réelles » motivations et le « bon équilibre » de leur santé mentale... Le retour de bâton est rude !

Troisième constat
La méconnaissance du fonctionnement des violences (post)conjugales. Trop souvent amalgamées à un climat de tensions ou à des disputes, les violences (post)conjugales et intrafamiliales sont niées, voire invisibilisées, par les services d’aide et de protection de la jeunesse. Le maintien du lien avec le père est privilégié au détriment de la protection des victimes. Des gardes alternées sont imposées et, avec elles, leur lot de violences (agressions physiques, verbales et/ou matérielles lors de « l’échange » de l’enfant, pressions exercées sur l’enfant, etc.). Par ailleurs, certains placements pourraient être évités s’il était décidé de protéger l’enfant en l’éloignant de l’auteur des violences et en le confiant à l’autre parent. Aux violences conjugales s’ajoutent les injustices judiciaires. La mise en place d’une formation continue sur le fonctionnement des violences (post)conjugales est urgente, et doit être une réelle priorité !
Aujourd’hui, avec plusieurs dizaines de mamans et femmes solidaires (amies, grands-mères…), nous œuvrons donc pour faire valoir le droit à la prise en compte des réalités de vie et des besoins des femmes par les services d’aide et de protection de la jeunesse.

• Contacter Vie Féminine : Laetitia Genin, coordinatrice nationale :
coordinatrice-nationale-lg@viefeminine.be
• Relire les articles parus à ce sujet dans axelle : les témoignages de deux mamans « désenfantées », Kindja et Melani (n° 238, en ligne), l’enquête « Placement abusif d’enfants : mères en résistance » (axelle n° 235-236) et la série « Enfance et prise en charge des violences » (axelle n° 224, 227 et 231).


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