Déclaration gouvernementale : pour l’autonomie économique des femmes, un pas en avant, deux pas en arrière !


Vie Féminine a pris connaissance du Projet de Déclaration de Politique Générale du 1er décembre 2011 et tient à faire part de son analyse sur certains points.

Nous nous réjouissons tout d’abord de l’intégration de mesures pour lesquelles nous nous sommes mobilisées ces derniers temps [1]. Citons les engagements suivants :

Le Service des Créances Alimentaires (SECAL) : le gouvernement s’engage à améliorer l’action du service, notamment en optimisant les récupérations des avances auprès des débiteurs et en informant sur l’existence du SECAL. Nous rappelons néanmoins que ces mesures doivent aller de pair avec un refinancement urgent du SECAL.

Le volet « politique des familles » prévoit aussi la mise en place de deux instances dont nous nous réjouissons : la Commission « objectivation » annoncée dans la loi du 19 mars 2010 visant à promouvoir l’objectivation du calcul des pensions alimentaires ainsi que le Tribunal de la Famille.

Violences à l’égard des femmes : notons l’engagement pris de mettre réellement en Å“uvre le Plan national de lutte contre les violences ainsi que l’amplification de la politique judiciaire de « tolérance 0 » (désignation de magistrats spécialisés et mise en place d’un plan par arrondissement).

Le statut des accueillantes conventionnées à domicile : le gouvernement s’engage, en concertation avec les entités fédérées, à adopter un statut complet de travailleur. Rappelons que le gouvernement précédent s’était engagé à octroyer aux accueillantes un statut de travailleuse à partir du 1/01/2011, mais sa chute en a décidé autrement.

Comme nous le revendiquions dans les les 10 priorités de Vie Féminine [2], le gouvernement invitera les partenaires sociaux à consolider les pensions du 1er pilier. Nous nous en réjouissons et resterons particulièrement attentives à la réalisation effective de ce point. Mais nous voudrions aussi attirer l’attention sur la fusion entre le Fonds de vieillissement et le Fonds d’avenir des soins de santé car nous espérons que cette fusion de noiera pas les deux dimensions que sont les pensions et les soins de santé.

Notons, enfin, que le projet de déclaration de politique générale annonce, comme nous le demandions, la mise en Å“uvre effective de la loi du 12 janvier 2007 relative à l’intégration de la dimension du genre dans les politiques fédérales (gendermainstreaming).

Ces engagements, s’ils se traduisent dans les faits, constituent une avancée réelle pour les femmes en général et celles des milieux populaires en particulier. Nous y resterons particulièrement attentives durant la législature.

Mais notre enthousiasme s’arrête brusquement lorsque nous nous parcourons le volet socioéconomique du projet de déclaration. Les mesures [3] que nous dénoncions lors de la manifestation du 2 décembre sont malheureusement confirmées. En matière de chômage, de crédit-temps, de prépension ou encore de santé, ces réformes s’attaquent clairement aux droits économiques des femmes.

Crédit-temps
Il faudra cinq années d’ancienneté (dont deux dans l’entreprise actuelle) pour pouvoir bénéficier d’un crédit-temps qui sera désormais limité à un an (pour un temps plein). Cette réforme affectera d’abord les personnes plus précarisées et, plus spécifiquement, les jeunes mères avec des enfants en bas âge (qui optaient souvent pour un crédit-temps vu le manque de places d’accueil). Faute de meilleure solution, ces femmes « choisiront » sans doute un temps partiel ou même une mise entre parenthèses de leur parcours professionnel.

Chômage
L’allocation de chômage va être davantage réduite au fil du temps : après 3 mois de chômage et pendant une durée de maximum de 3 ans, cette allocation va progressivement diminuer pour atteindre finalement des montants forfaitaires. Rien ne change pour les cohabitant-e-s (en majorité des femmes) qui recevront en bout de course, une allocation de 474,50 euros, même si elle avait travaillé à temps plein au préalable.

Cette dégressivité des allocations pousse les chômeurs et les chômeuses à accepter n’importe quel emploi. C’est particulièrement vrai pour les femmes qui sont déjà orientées aujourd’hui vers les emplois les plus précaires (titres-services, grande distribution, soins aux personnes, etc.).

Par ailleurs, la chasse aux chômeurs et aux chômeuses va s’accentuer et la notion « d’emploi convenable » impliquera d’accepter un emploi dans un rayon de 60 km (contre 25 km actuellement). Tout cela dans un contexte où, rappelons-le, il n’y a pas assez d’emplois et où le taux de couverture en matière de places d’accueil ne dépasse pas 25 % en Communauté française !

Stage d’attente des jeunes
Transformé en « stage d’insertion professionnelle », le stage d’attente des jeunes sera porté, dès le 1er janvier 2012, à 12 mois après la fin de leurs études (et non plus 9 mois comme aujourd’hui). Les allocations d’insertion ne seront versées que si le jeune réussit à prouver une "démarche active en vue de décrocher un emploi". En outre, les allocations seront limitées à 3 ans pour les cohabitants dits « non privilégiés ». A ce propos, nous demandons au gouvernement de nous expliquer clairement ce nouveau concept de « cohabitants dit non privilégiés » [4]. Pour nous, il s’agit d’une tautologie ; le statut de cohabitant est toujours discriminant, a fortiori dans le cadre du stage d’attente, il n’apporte donc jamais des privilèges.

Pour l’ensemble des jeunes, cette mesure rallonge la période de précarité qui suit les études. Elle entrave drastiquement leur autonomie économique, leur liberté de choix d’un emploi et leurs conditions de vie. Tout ceci va peser lourdement sur les jeunes qui font déjà partie des catégories les plus précarisées dans notre société. Et les jeunes femmes paieront un prix particulièrement lourd puisque l’étude que nous avons publiée l’an dernier [5] montre qu’elles sont systématiquement plus pauvres que les jeunes hommes... Enfin, cette mesure retombera indirectement sur les épaules des parents (et des mères dans de nombreux cas de familles monoparentales) qui devront, s’ils le peuvent, prendre en charge financièrement leurs enfants plus longtemps.

Prépensions ou chômage avec complément de l’entreprise
Les conditions d’âge et d’années de travail pour obtenir une prépension sont rallongées. Les femmes, qui sont déjà peu concernées par les différents aménagements de fin de carrière [6] étant donné leurs parcours professionnels hachurés (beaucoup doivent en effet réduire ou interrompre leur carrière pour assumer des responsabilités familiales) et la compression des temps de travail à temps partiel, pourront donc encore moins y accéder. Cela même si le projet de déclaration gouvernementale mentionne que « pour les femmes, une période de transition adaptée sera prévue » [7].

Soins de santé
Le gouvernement va réduire le rythme d’augmentation des dépenses en soins de santé. La loi prévoit aujourd’hui une norme de croissance de 4,5 %. Ce taux sera rabaissé à 2 %. On nous dit qu’il n’y aura pas de répercussions sur les patients. Cela dit, de nombreuses études montrent clairement que toute réduction des services publics, et des services de soins en particulier, touche avant tout les femmes. Non seulement comme bénéficiaires, mais aussi comme travailleuses de ces secteurs (conditions de travail, de rythme imposé et de stress, etc.). Les restrictions budgétaires n’épargneront personne. Tant les gestionnaires de l’INAMI, que les mutuelles, les syndicats et Santhéa [8], dénoncent un budget qui risque de limiter l’accès aux soins pour de nombreux patients. L’ensemble du secteur s’accorde pour dire que les hôpitaux n’auront d’autres choix que de facturer aux patients une partie des économies imposées. Et notamment au niveau des honoraires des médecins (hors médecins généralistes) et des prix et remboursements des médicaments.

Avec ces différentes mesures, des économies vont une fois de plus être réalisées au détriment de celles et ceux qui sont déjà en difficulté. Une fois de plus, nous redisons que d’autres choix budgétaires auraient pu être faits : une fiscalité plus juste et plus égalitaire portant sur toutes les sources de revenus et de richesses (revenus du capital, taxation de la spéculation, etc.), la suppression des intérêts notionnels, la défiscalisation des titres-services, etc.

Nous resterons donc mobilisées, avec d’autres, pour que ces mesures profondément injustes ne se mettent pas en place !

Pour toute information complémentaire :
Hafida Bachir, Présidente nationale
Tél. : 02 227 13 00
Gsm : 0487 27 67 37
presidente-nationale@viefeminine.be



[1« Négociations pour un gouvernement fédéral : les 10 priorités de Vie Féminine » – communiqué de presse du 12/09/2011 : http://viefeminine.be/spip.php?article2066&var_mode=calcul.

[2Idem

[3« Accord sur le budget : la précarité n’est pas notre projet de société ! » – communiqué de presse du 29/11/2011 : http://www.viefeminine.be/spip.php?article2198.

[4« Cohabitants privilégiés » = personne au chômage avec conjoint-e touchant uniquement des allocations n’excédent pas un certain montant journalier

[5« Coups de cÅ“ur et coups de gueule des jeunes femmes d’aujourd’hui », Vie Féminine 2010.

[6À titre d’exemple en 2010, 24% de femmes pour 76% d’hommes prépensionnés

[7La période de transition consistera en un aménagement de celle qui était déjà prévue afin d’égaliser les durées de carrière minimum.

[8La fédération des hôpitaux publics et des hôpitaux privés non-confessionnels

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