Crise économique : les femmes continuent à payer le prix !
Peur et austérité : telles sont les bases de la déclaration gouvernementale. C’est dans ce climat que les différents Ministres fédéraux ont élaboré leurs notes de politique générale pour 2009. Après analyse de ces notes, Vie Féminine rappelle ses revendications.
- Accueillantes d’enfants : un vrai statut
L’accord du gouvernement du 18 mars 2008 prévoyait l’octroi d’un statut de travailleuse aux accueillantes d’enfants conventionnées. Pour le financer, 16 millions d’euros avaient même été évoqués. Dans la foulée, un groupe technique s’est réuni à l’initiative des Ministres Laurette Onkelinx et Joëlle Milquet. Malgré cela, rien n’a été inscrit au budget 2009.
Face à notre étonnement, la crise économique est pointée du doigt. Mais pour nous, il est injuste que les accueillantes conventionnées soient une fois de plus lésées. Alors que les orientations des deux Ministres compétentes restent très vagues, nous souhaitons des engagements plus précis de leur part pour que l’accord du gouvernement se traduise dans les faits.
- SECAL : relever le plafond d’accès aux avances
Le Service des créances alimentaires (SECAL) récupère auprès des débiteurs le montant des pensions alimentaires dues ainsi que les éventuels arriérés et les verse ensuite aux créanciers. Le SECAL octroie également des avances sur les pensions alimentaires impayées, mais ces avances sont conditionnées par un plafond de revenu.
Nous souhaitons que le budget tienne compte d’un relèvement de ce plafond d’accès. À ce sujet, rappelons que l’accord du gouvernement du 18 mars prévoyait d’étendre les conditions actuelles et les montants d’intervention du SECAL. La note de politique générale de Didier Reynders, Ministre des Finances, prévoit également de relever les montants d’intervention. Il est temps que ces engagements se concrétisent. Rappelons que Vie Féminine exige un service universel, c’est-à -dire donnant accès à tous les ayants droit sans plafond de revenu.
- Allocations familiales : attention aux inégalités
Nous découvrons dans la note de Laurette Onkelinx, Ministre des Affaires sociales, sa volonté de partager les allocations familiales entre les deux parents en cas de garde alternée. Une fois de plus, nous nous inquiétons des dérives de l’égalité formelle qui ne tient pas compte des situations concrètes des personnes et des familles, comme ce fut déjà le cas avec la loi sur la garde alternée ou la réforme du divorce. Faut-il rappeler que les hommes et les femmes ne sont pas égaux face aux revenus et que souvent, après un divorce, les femmes s’appauvrissent encore davantage ? Cette mesure ne ferait qu’accentuer la précarité des femmes monoparentales. Par ailleurs, le Secrétaire d’Etat aux familles souhaite objectiver le calcul des pensions alimentaires, ce qui est une bonne mesure. Le gouvernement doit rester cohérent en ne détricotant pas d’un côté ce qui est réalisé de l’autre !
- Droits individuels en sécurité sociale : enfin ?
Cela fait plus de 30 ans que les organisations de femmes réclament l’individualisation des droits en sécurité sociale. Nous nous réjouissons de voir que cette revendication de longue date intéresse enfin les responsables politiques. La tenue, le 15 décembre prochain, d’une première journée de réflexion à l’initiative de Joëlle Milquet, Ministre de l’Egalité des Chances, est à souligner. Nous souhaitons que cette journée débouche sur des propositions concrètes.
Par ailleurs, nous saluons les débats actuels à la Chambre concernant la proposition de loi d’ECOLO/GROEN en vue de supprimer le statut de cohabitant dans le revenu d’intégration sociale. Il est important de profiter de ces deux initiatives pour arriver à des propositions concrètes en vue de donner à chacun-e des droits propres en matière de sécurité sociale dans tous les domaines (chômage, pensions...).
- Pensions : garantir le premier pilier
Vie Féminine rappelle la nécessité de garantir et de renforcer la pension légale : ce premier pilier est le plus solidaire et le plus égalitaire. Il importe également de garantir à toutes et tous des revenus décents à l’âge de la pension. L’augmentation minime de la GRAPA (garantie de revenu aux personnes âgées) prévue au budget pour juin 2009 reste totalement insuffisante.
Vu les profondes inégalités entre femmes et hommes lors de la pension, nous soulignons l’importance d’adopter une analyse de genre dans toutes les évaluations et réflexions relatives à ce domaine, notamment pour la Conférence nationale sur les pensions. De plus, les consultations s’y rapportant (modernisation, simplification, pension légale, complémentaire, avenir des pensions...) doivent systématiquement intégrer des organisations de femmes et faire écho d’analyses genrées. La situation des femmes, les discriminations qu’elles rencontrent, leurs différences de carrières, etc. doivent être abordées explicitement et systématiquement, et non pas traitées à part dans un volet ou une journée particulière. L’analyse de genre doit être une transversale. Ainsi, nous espérons qu’un lien sera établi entre les réflexions de la Journée sur l’individualisation des droits en sécurité sociale du 15 décembre 2008 et celles menées autour des pensions, notamment dans le cadre de la Conférence nationale.
- Titres-services : opposition ferme
Vie Féminine a toujours dénoncé le dispositif des titres-services. À la lecture du Plan pour l’Emploi de la Ministre Joëlle Milquet, nous constatons que quelques mesures sont prévues pour corriger le dispositif actuel (impossibilité de conclure des contrats à durée déterminée successifs au-delà des trois premiers mois, minimum de prestations de 3h par jour...). Mais il est par contre toujours possible d’offrir des contrats inférieurs au tiers temps, ce qui nous conforte dans l’idée que ce dispositif, qui concerne plus de 98 % de femmes, a été mis en place au détriment de toute réflexion sur la qualité de l’emploi.
De plus, le Plan pour l’Emploi fait allusion au développement des titres-services en concertation avec les Communautés, notamment dans les secteurs de l’accueil de la petite enfance et du jardinage. Nous rappelons notre opposition ferme à l’élargissement des titres-services pour l’accueil et la garde d’enfants. Entre autres parce que l’accueil des enfants doit être assuré par des profesionnel-le-s qualifié-e-s, ce que ne garantit pas le système des titres-services, tout comme un accès démocratique. Ce système est de surcroît très coûteux pour la collectivité. Les moyens prévus pour cette extension doivent être injectés dans une politique cohérente de création d’emplois articulée avec une offre d’accueil de l’enfance suffisante et de qualité.
- Plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs : loin des réalités
Face au renforcement et à l’extension du Plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs tel qu’annoncés dans la note de politique générale de la Ministre de l’Emploi (raccourcissement des délais de suivi, intégration de la période d’attente), Vie Féminine fait écho des situations qui lui ont été relayées. Elles témoignent d’une inadéquation et d’une faiblesse du volet « accompagnement » de ce plan, mais aussi d’un irrespect des demandeurs-ses d’emploi, de leurs aspirations et de leurs contraintes (personnes peu qualifiées, avec charge de famille...).
Si nous trouvons important d’étudier le parcours des personnes exclues du chômage, il nous semble plus que nécessaire de procéder à une analyse qualitative plus générale, dans l’esprit de la loi sur le gender mainstreaming, incluant également les personnes non exclues (type d’emploi, article 90...) et permettant de mesurer l’impact de ce plan en termes de genre.
Par ailleurs, nous rappelons également l’impossibilité de mener une politique d’emploi égalitaire sans l’articuler avec d’ambitieuses politiques d’accueil de l’enfance et de mobilité.
- Sans-papiers : à quand la circulaire ?
Alors que la régularisation des sans-papiers est inscrite dans la note de politique générale d’Annemie Turtelboom, Ministre de la Politique de Migration et d’Asile, Vie Féminine déplore l’absence de tout calendrier. Aucune date n’est en effet prévue pour la finalisation de la circulaire précisant les critères de régularisation.
Par ailleurs, Vie Féminine insiste, encore une fois, sur la nécessaire prise en compte, dans la circulaire, des spécificités des femmes sans-papiers (charge des enfants, violences, droits bafoués dans le pays d’origine...).
- La loi gender : bientôt appliquée ?
Depuis le 12 janvier 2007, une loi prévoit de mesurer l’impact différencié sur les femmes et sur les hommes de toutes les décisions politiques. Pour que cette loi puisse être appliquée, une série d’arrêtés doivent voir le jour. Ils sont d’ailleurs explicitement prévus au programme de la politique d’Egalité des Chances de la Ministre Joëlle Milquet. Nous nous réjouissons que cette loi devienne enfin effective et permette à nos responsables politiques de penser a priori à l’impact qu’auront leurs mesures (et les budgets qui y sont liés) sur les hommes et sur les femmes, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Nous rappelons également que cette intégration systématique de la dimension de genre dans les politiques n’empêche en aucun cas des mesures d’actions positives pour corriger des inégalités existantes.
En conclusion, nous déplorons qu’une fois de plus, les femmes doivent se contenter de se réjouir de quelques ouvertures et de constater qu’aucune proposition concrète ne leur permet de sortir de la précarité et de l’inégalité. Pourtant, leurs exigences peuvent être aisément chiffrées et sont loin des milliards dégagés pour les banques. Combien de déclarations gouvernementales les femmes devront-elles encore attendre ?