Ateliers de renforcement citronné : Publication 2022


Le projet Réseau soutenant vise à faire de tous les lieux de Vie Féminine des espaces contribuant à la prévention des violences faites aux femmes. Nous faisons le pari que l’organisation agit déjà sur les trois niveaux de prévention (primaire, qui vise à empêcher les violences de se produire ; secondaire, c’est-à-dire comme réponse immédiate aux violences ; et tertiaire, agissant sur le long terme après les violences) à travers ses diverses activités d’éducation permanente.


1. Les ateliers de renforcement citronné

Nous pensons que l’apport de l’éducation permanente féministe à la prévention des violences faites aux femmes s’illustre parfaitement à travers les ateliers de renforcement citronné proposés par Vie Féminine. Ainsi, nous les avons choisis comme thématique de cette publication annuelle afin d’examiner de quelles manières ces ateliers contribuent à prévenir les violences.
Créés dans la région de Namur, cette série d’activités s’étalent sur une quinzaine d’ateliers à raison de deux jours par semaine. En plus de permettre aux femmes de participer à la réalisation d’une production collective, les ateliers visent à les renforcer dans leurs représentations positives d’elles-mêmes et dans leur autonomie en travaillant notamment sur la déconstruction de leurs représentations et sur leur confiance et estime d’elles-mêmes, et en les outillant pour leur permettre de mieux affronter les discriminations qu’elles peuvent rencontrer dans leur vie quotidienne. Ces activités contribuent ainsi à la prévention des violences faites aux femmes, et ce de différentes manières que nous expliciterons plus tard dans cette publication.

2. En pratique

Le projet a été pensé sur 13 à 15 séances qui alternent entre des temps d’ateliers et des temps de création d’une œuvre collective enrichie tout au long du module. Voici ce qui est annoncé aux participantes : « Ateliers de renFORCEment : des ateliers vitaminés, à vivre entre femmes, pour faire le point et se donner les moyens d’avancer dans la vie. »
Les premières journées visent dans un premier temps à accueillir les femmes et à leur permettre d’apprendre à se connaître ; de décoder ensuite les stéréotypes et les rôles qui limitent les femmes en passant par des débats et des réflexions collectives ; et enfin, d’introduire l’idée d’une création collective « accessible » et « porteuse » basée sur le matériau récolté lors de ces premières activités. Il s’agit alors de s’exprimer par la créativité, d’expérimenter concrètement un « faire-ensemble » créatif, ainsi que des pratiques démocratiques. Ces moments de création collective se font en parallèle du processus d’ateliers.
Les prochaines journées s’articulent autour du thème de la reprise de confiance en soi. Il s’agit d’un concept-clé dans la prévention des violences faites aux femmes, intimement lié à l’autonomie, l’empouvoirement et le processus de reconstruction après les violences. Ici, les participantes entament notamment un travail de réflexion quant à leurs expériences et les replacent ensuite dans le collectif en analysant ensemble les différents récits. Elles distinguent également les notions d’estime de soi et de confiance en soi. Ainsi, les ateliers ont pour objectifs de définir les contours de ces concepts et des facteurs qui les nourrissent (ou non), ainsi que de renforcer la confiance en soi des participantes.
Sont ensuite abordés les enjeux liés au fait de « savoir dire non » et le décodage de certains phénomènes culturels qui réduisent le champ d’action des femmes. Les notions de colère et de paresse, en particulier, sont examinées avec des lunettes genrées en tant que « défauts de femmes ».
Deux ateliers (le 7e et le 8e selon le canevas de base) ont pour thématique « Mon parcours, mes envies, mes forces » et se penchent sur le parcours de vie de chacune à la fois sous des angles valorisants, mais également en examinant les nœuds à dépasser afin de dégager des perspectives d’avenir. L’animation consiste à remplir un canevas (ci-dessous) pour revenir sur son parcours de vie à travers différentes portes d’entrée (« ce que je me souhaite », ce qui me donne de la puissance », « des éléments de mon corps que je trouve beaux », « ce qui m’a déjà bloquée », « les ressources qui sont les miennes », …). Ces deux séances sont précieuses car elles ont été pensées pour permettre aux participantes un retour bienveillant (tout en étant authentique) sur elles-mêmes et sur leur vie. Le tout est de renforcer les femmes à partir des ressources qu’elles possèdent déjà.

Ensuite est analysée la notion de code et de construction sociale avec une lecture genrée, suivi d’une réflexion ayant pour objectif de décoder et d’envisager différentes formes de résistance collectives.
Le prochain atelier aborde quant à lui les ressources des femmes et les rapports qu’elles entretiennent aux autres, tout en réfléchissant à la notion de solidarité et à ses conditions. Cet atelier permet de véritablement renforcer les femmes à partir de ce qu’elles ont, de leurs propres ressources, et encourage la mise en place de solidarités entre femmes.
L’atelier suivant a pour objectif de se réapproprier la notion de puissance, en abordant d’abord celle de fragilité et la manière dont elle sert le patriarcat qui l’a créée, puis en renforçant les femmes dans la confiance en leurs capacités pour qu’elles se reconnaissent elles-mêmes puissantes.
Dans le dernier atelier du projet, les normes de beauté et leur caractère éphémère et arbitraire sont abordées à travers des animations de réflexion collective et pendant lesquelles il est proposé aux participantes de se reconnaître une certaine forme de beauté.
Enfin, un dernier moment est prévu, d’une part, afin de permettre aux femmes de revenir sur des moments un peu compliqués pour les dénouer et les transformer symboliquement ; ensuite, pour rassembler leurs expériences afin qu’elles se les réapproprient pour leur donner un sens global ; et enfin, pour finaliser leur création et lui donner un nom, ce qui se révèle être fédérateur. En outre, une petite fête est généralement prévue pour fêter tout ce qui a été accompli dans le groupe.  

3. Contribution à la prévention des violences faites aux femmes

Au niveau global : l’éducation permanente féministe
L’éducation permanente est une démarche culturelle définie par la Fédération Wallonie Bruxelles ayant pour objectif de favoriser et de développer, premièrement, une prise de conscience et une connaissance critique des réalités sociales ; des capacités d’analyse, de choix, d’action et d’évaluation ensuite ; et enfin, des attitudes de responsabilité et de participation à la vie sociale, politique, économique et culturelle.
Plus particulièrement, la méthode privilégiée chez Vie Féminine est celle de l’éducation permanente féministe, qui lui est spécifique. Celle-ci permet aux femmes de comprendre que les problèmes qu’elles vivent trouvent leurs origines dans les conditions économiques, politiques et sociales ; elle favorise le développement d’une autonomie dans les différentes sphères de leur vie ; et elle permet le changement collectif et radical de notre société vers une société égalitaire, solidaire et juste.
Les ateliers de renforcement citronné relèvent donc des activités d’éducation permanente de Vie Féminine en remplissant ces différents critères : à travers les ateliers de décodage, ils permettent en effet aux participantes de comprendre d’où viennent les problèmes qu’elles rencontrent en tant que femmes, ce qui contribue déjà à la prévention aux violences, tout comme le fait qu’ils fournissent des outils encourageant les participantes à reprendre du pouvoir sur leur existence. Les ateliers permettent notamment de faire face et de résister aux violences multiformes auxquelles les femmes sont confrontées dans leur vie, et ce dans une visée émancipatrice.
De plus, les activités proposées dans les ateliers de renforcement citronné visent à soutenir les femmes en les encourageant à s’affirmer et à tisser des solidarités entre elles ; elles « partent du terrain » en construisant un savoir critique collectif directement basé sur le vécu des femmes ; et elles mettent l’accent sur l’agir collectif – autant de caractéristiques de l’éducation permanente féministe.

• Au niveau concret : contribution d’une activité d’éducation permanente féministe à la prévention des violences faites aux femmes
La question qui se pose dès lors est la suivante : comment ce projet d’éducation permanente féministe contribue-t-il à la prévention des violences faites aux femmes ?
Tout d’abord, de par l’établissement d’une charte dès le premier atelier, qui offre aux participantes un espace sécurisé et sans rapports de pouvoirs, ainsi qu’un climat de confiance dans lequel les femmes se sentent à l’aise de s’exprimer et d’être écoutées sans être jugées. Cet aspect du projet est primordial tant au niveau de l’éducation permanente féministe que de celui de la prévention aux violences.
Examinons à présent de quelles manières les ateliers de renforcement citronné agissent sur les trois niveaux de prévention cités plus haut.
Premièrement, les activités proposées par les ateliers de renforcement citronné contribuent à la prévention primaire car elles travaillent l’information à travers le décodage : les ateliers déconstruisent et dénoncent les stéréotypes et autres représentations sexistes de l’image et du rôle de la femme (lors des trois premiers ateliers mentionnés précédemment, mais également dans la suite du processus). En prenant petit à petit conscience de ces stéréotypes et du système de domination masculine qui les légitime (qui peut être intériorisé par les femmes aussi), les participantes sont encouragées à développer des stratégies de résistance, ce qui agit également sur les violences qui sont indissociables à ce système. En renforçant les femmes à travers ce travail de décodage, Vie Féminine espère qu’elles pourront l’appliquer au niveau de la société.
D’une manière plus subtile mais bien présente, les ateliers de renforcement agissent également au niveau de la prévention secondaire des violences. D’une part, un certain cheminement de réflexion peut avoir lieu au cours du projet et certaines femmes peuvent découvrir qu’elles ont été ou sont victimes de violences. Il s’agit là d’un aspect primordial de la prévention secondaire : l’importance d’identifier les victimes. D’autre part, une véritable solidarité se tisse entre les participantes lors de ces ateliers. Et cette solidarité est politique : notamment à travers l’établissement de la charte, Vie Féminine se positionne contre les violences parce qu’elle prend le parti de toujours croire les femmes. Celles-ci trouvent un espace sécurisé pour la parole où elles sont écoutées et soutenues sans jugement, ce qui est rarement le cas ailleurs.
Enfin, les ateliers de renforcement citronné contribuent à la prévention tertiaire car ils travaillent, encore une fois, l’estime de soi, qui est une notion clé de ce niveau de prévention. En effet, la perte de l’estime de soi est une conséquence majeure des violences, qui peuvent également provoquer des sentiments de peur ou de honte. Ainsi, permettre aux femmes de se revaloriser, ainsi qu’à se réapproprier leur corps et leur image d’elle-même, est une étape essentielle dans leur parcours de reconstruction. Même si elles ne sont pas venues avec cet objectif en tête, il n’en est pas moins que les femmes vivent des violences sexistes au quotidien et qu’il y a de grandes chances que bon nombre d’entre elles réalisent ce parcours de reconstruction au moment où elles participent à l’atelier.

Ces ateliers de renforcement citronné ont lieu un peu partout chez Vie Féminine. En outre, ils seront explicités au cours de groupes de travail « Réseau soutenant » qui visent à systémiser l’accueil féministe des violences dans tous les lieux du mouvement. D’une part, ces groupes de travail insisteront, appuieront et valoriseront les ateliers et le travail qui y est réalisé ; et d’autre part, ils implémenteront dans le canevas actuel des insistances par rapport à la prévention aux violences pour que les animatrices puissent mettre davantage en avant la notion de résistance aux violences.

Ateliers de renforcement citronné : Publication 2022


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