
Accord Leterme Ier : mais encore ?
Communiqué du 21 mars 2008
Après 9 longs mois de gestation, le nouveau gouvernement nous propose un accord souvent vague, non chiffré et aux accents nettement libéraux, où l’on « récompensera ceux qui travaillent » et assistera les victimes de l’ « infortune ». A part une amélioration en vue pour certains sans-papiers, beaucoup d’autres problématiques qui touchent de près la vie des femmes ne sont pas prises au sérieux. Parmi celles-ci, nous avons épinglé : le SECAL, le statut des accueillantes, l’activation des chômeurs, les titres-services ... Vie Féminine attend donc la suite !
Enfin une régularisation des sans-papiers, mais individuelle
Dans son accord, le gouvernement prévoit enfin une « politique de régularisation sur une base individuelle » des sans-papiers. Cette régularisation tiendra compte notamment de la longueur des procédures et de l’ancrage local durable – traduction des ‘attaches durables’ que nous revendiquions – des personnes qui pourront en faire la preuve grâce à l’avis des autorités locales ou d’un service agréé. Nous rappelons à quel point cette notion d’attaches durables est importante pour les femmes qui exercent souvent de nombreuses activités de proximité dans leur quartier et avec leurs enfants scolarisés.
Cependant, nous regrettons que cette politique de régularisation se fasse à travers une circulaire, et pas une loi, ce qui en diminue la stabilité et la pérennité. Nous rappelons également la nécessité de mettre en place rapidement une Commission permanente et indépendante de régularisation ainsi que de tenir compte de la situation spécifique des femmes dans les critères et les procédures de régularisation. Par ailleurs, nous refusons de vivre dans une société qui expulse les gens de force et les enferme alors qu’ils n’ont commis aucun délit.
Un SECAL accessible et universel ?
Se souvenant des difficultés vécues par les familles monoparentales (en majorité des femmes seules avec enfants) lorsqu’elles sont confrontées au non-paiement des pensions alimentaires, le gouvernement « entend promouvoir davantage le Service des créances alimentaires (SECAL). Il étendra les conditions actuelles et les montants d’intervention. »
Cette proposition reste cependant fort évasive. Qu’entend-on par « promouvoir davantage » le SECAL ? S’agit-il de la grande campagne médiatique demandée depuis longtemps par les organisations de femmes et familiales ? Pour rappel, le SECAL a géré 25 000 dossiers en 2006 alors que ce service pourrait concerner 150 000 personnes. Par « étendre les conditions et les montants d’intervention », nous supposons qu’il est fait allusion au plafond de revenu (1224€ mensuel + 58€ par enfant à charge) à ne pas dépasser pour accéder aux avances actuellement octroyées par le SECAL. Le PS a proposé, le 8 mars lors de sa conférence de presse, de relever ce plafond à 1500€. Est-ce cette proposition qui est sur la table et quand sera-t-elle appliquée ?
Nous attendons fermement des précisions dans ce domaine et, dans cette perspective, nous tenons à rappeler nos revendications en la matière :
- Les plafonds d’accès au service d’avances doivent être supprimés et le SECAL doit devenir un service universel, dont tous les enfants et ex-conjoint-es ayant droit à une pension alimentaire doivent pouvoir bénéficier.
- L’accès au SECAL doit être gratuit (suppression des 5% pour le créancier).
- Une vaste campagne médiatique qui donne de la visibilité au SECAL, à son existence, à son utilité (dépliants dans les postes, CPAS, administrations communales, mention du SECAL lors du jugement).
- Un registre national disposant de toutes les décisions judiciaires et actes authentiques doit être créé afin de faciliter au SECAL la création et le suivi des dossiers, d’avances comme de recouvrement des créances.
De plus, nous rappelons notre attachement à la création de divers instruments, comme un Observatoire des Créances Alimentaires ou l’application obligatoire d’une méthode de calcul objective et actualisée du montant des pensions alimentaires.
Quel statut pour les accueillantes ?
De nombreuses organisations, institutions et partis politiques se sont prononcés en faveur d’un statut complet pour cette profession. Si le statut des accueillantes conventionnées figure bien au programme du gouvernement, la promesse de « faire les premiers pas pour améliorer leur statut » est à nos yeux beaucoup trop timide, car l’accès au statut social pour les accueillantes tel qu’il existe aujourd’hui avait déjà été annoncé comme le premier pas vers le statut complet.
L’accord de gouvernement affirme qu’il veut s’atteler à créer des emplois de qualité ; les personnes qui gardent les enfants ont, elles aussi, droit à un statut d’emploi correct. En outre, les parents doivent pouvoir confier en toute quiétude leurs enfants à un milieu d’accueil accessible et de qualité. Le statut des accueillantes conventionnées doit donc évoluer rapidement, sans plus de phases intermédiaires, vers le statut complet de travailleur salarié.
Stop à la chasse aux chômeurs
Nous sommes irritées que le gouvernement ait décidé de poursuivre et d’étendre « sa politique d’activation des chômeurs » telle qu’elle est pensée aujourd’hui. De plus, le Conseil des Ministres de ce 20 mars a déjà décidé d’une série de mesures pour raccourcir les délais de procédure et sanctionner ou exclure les personnes plus rapidement.
Nous le savons, ce sont majoritairement des femmes qui entrent dans ce dispositif et qui sont contraintes d’accepter des emplois précaires (notamment via les titres-services) ou des formations inadéquates. De plus, ce sont elles, et pas les hommes, qui se retrouvent alors confrontées au besoin de faire garder leur enfant, dans un contexte où il manque cruellement de places d’accueil.
Pour sortir de cette logique de culpabilisation et d’exclusion, nous souhaitons que le plan tel qu’il a été pensé soit remplacé par un réel dispositif d’accompagnement respectueux des personnes, de leurs aspirations et de leurs contraintes (garde d’enfant, mobilité...) et qui tienne compte du partage toujours inégal des rôles dans notre société. C’est pourquoi nous voulons que les évaluations de cette politique fassent plus que fournir des chiffres bruts sur la mise à l’emploi des femmes mais qu’elles intègrent une réelle vision des conséquences de cette politique sur leur qualité de vie.
Les titres-services, la solution ?
Il semble que le gouvernement voie dans les titres-services, leur pérennité et même leur extension, une solution à la fois au problème de l’emploi pour les femmes peu qualifiées et au manque de places d’accueil pour les enfants ! Mais les titres-services – qui concernent à 98% des femmes – ont introduit une norme de précarité dans les emplois qu’ils génèrent (petits temps partiels, faibles rémunérations, pas de formation). Ils ne participent certainement pas non plus à la réduction de l’écart salarial entre hommes et femmes souhaitée par le gouvernement.
C’est pourquoi nous demandons une véritable évaluation quantitative mais également qualitative de ce système et de ses conséquences sur les travailleurs/euses. L’objectif étant bien sûr de tendre vers des emplois de qualité, à temps plein et à durée indéterminée, avec une couverture sociale maximale.
De plus, nous nous élevons contre toute extension de ces titres-services, et notamment à la garde d’enfants. Nous réaffirmons que les personnes qui gardent les enfants ont droit à un statut correct pour exercer une telle responsabilité, et que les parents et les enfants doivent pouvoir accéder à un service de garde de qualité et accessible financièrement. Enfin, il est clair que ce dispositif renforce les rôles traditionnels des hommes et des femmes en déléguant les tâches domestiques à une femme extérieure au ménage, au lieu d’encourager un partage équitable de ces tâches au sein du couple et de la famille.
En conclusion...
De nombreuses mesures proposées ne vont absolument pas vers une réduction des inégalités entre hommes et femmes. Pourtant, le gouvernement est censé, depuis la publication de la loi sur le gender mainstreaming , aller dans le sens d’une évaluation a priori des conséquences de ses mesures sur les hommes et les femmes. Cela n’est manifestement pas encore le cas. Or on a pu constater que, sans une telle évaluation, certaines dispositions ont des conséquences gravement pénalisantes pour les femmes. La réforme de la loi sur le divorce en témoigne. De même, le statut de cohabitant, dont le gouvernement entend à juste titre combattre les effets pour les personnes handicapées, pénalise de nombreux autres allocataires sociaux, dont une majorité de femmes.
Quant au souhait du gouvernement de construire un partenariat avec les associations de la société civile dans un souci de démocratie participative, nous répondrons présentes. Mais nous insistons pour que Vie Féminine et les organisations de femmes en général soient associées aux différentes réflexions sur les mesures socio-économiques, notamment aux travaux en vue de l’année européenne de lutte contre la pauvreté .
Contact :
Hafida Bachir, présidente nationale Vie Féminine
Tel : 02 227 13 00
GSM : 0488 41 35 65