Réforme du divorce : envisager les effets pervers pour les femmes
Communiqué du 7 décembre 2006 (Vie Féminine/ Femmes Prévoyantes Socialistes).
La réforme du divorce, actuellement en débat à la chambre des représentants, est présentée comme une avancée pour les deux conjoints, ceux-ci étant considérés comme égaux en tout. Pourtant, si les situations d’injustice liées au sexe sont peu apparentes, elles restent bel et bien présentes. Rappelons qu’aujourd’hui encore, les salaires des femmes restent inférieurs de 17% à ceux des hommes.
Dans une société où la socialisation des filles et des garçons s’inscrit encore souvent dans une vision sexuée de leurs projets de vie, on verra plus souvent les femmes que les hommes passer à un temps partiel dès lors qu’il y a une vie de famille à gérer. L’engagement dans le couple et l’amour est lui aussi oblitéré par ces rôles.
Des situations souvent plus cristallisées encore dans les couples mariés. Avec pour effet un mariage qui appauvrit les femmes, plus investies dans la sphère privée, et donc dans des tâches non rémunérées. Et si en cas de divorce, les deux partenaires se retrouvent affaiblis, celui qui en sort le moins « pauvre » est fatalement celui qui, au long de son parcours, a pu constituer la situation professionnelle la plus favorable.
Les mouvements de femmes Vie Féminine et Femmes Prévoyantes Socialistes ne peuvent dès lors que s’interroger sur la réforme du divorce présentée actuellement car elle ne prend pas suffisamment en compte les inégalités structurelles qui subsistent encore au sein des couples. L’unique divorce pour « désunion irrémédiable des époux » serait plus facile, plus rapide, non conditionné à une « entaille » dans le contrat , car issu de la volonté égale de deux époux égaux observant, à un moment de leur histoire, un défaut d’affection qui les fasse rompre le mariage en toute courtoisie.
Or, nous désirons attirer l’attention sur les effets pervers que pourraient comporter certains éléments prévus dans cette réforme du divorce :
- Le divorce pour faute disparaît, « la faute ne doit plus être centrale dans le divorce »
La notion de faute permet de demander la séparation pour non-respect d’un des engagements pris lors de la contraction du mariage, qui en forment les conditions de validité et de durabilité. Supprimer cette notion de faute n’a aucun sens si le contrat de mariage reste en l’état actuel : il faudrait alors, logiquement, supprimer tous ces engagements.
- La médiation judiciaire peut être recommandée moyennant l’accord des parties ou proposée par l’une des parties, toujours en accord avec les parties.
Malgré toutes ses qualités, la médiation n’est pas un remède miracle aux conflits, car elle peut constituer un piège pour les femmes : celles-ci sont plus socialisées à la concession et revendiquent moins leurs droits. De plus, les médiateurs participent comme tout le monde de la culture dominante qui entérine les rapports sociaux de sexe inégalitaires, et risquent donc de laisser faire des arrangements eux aussi inégaux. Nous pouvons aussi craindre un danger de « psychologiser » le divorce, en le réduisant à un problème de « désamour » entre les individus, oubliant les dimensions sociales sexuées (et inégalitaires) qui imprègnent les époux.
- Les prescriptions en matière de pension alimentaire
Nous nous inquiétons du traitement des pensions alimentaires par la loi, qui vise manifestement à les alléger au maximum. Si nous approuvons l’idée de réduire la dépendance des femmes à l’égard de leur (ex-)mari, nous prônons cependant la souplesse. Il est en effet impératif de tenir compte des implications qu’aura eu l’arrêt du travail ou des études sur l’un des époux (souvent la femme) à cause de l’investissement dans la vie de couple. La difficulté de trouver un emploi face à laquelle pourrait se trouver la personne ayant annulé son activité professionnelle dans le cadre du mariage ne peut être ignorée.
Nous tenons à dénoncer le fait que cette dépendance financière des femmes, contre laquelle nous nous battons, reste par ailleurs organisée par notre droit de plusieurs façons : quand des mécanismes tels que les droits dérivés en sécurité sociale ou encore le quotient conjugal découragent fortement et ouvertement le travail professionnel des femmes, peut-on décemment réduire par la suite leur droit à une pension alimentaire ? Si l’on se montre « égalitaire » dans la réforme du divorce, il faut en tirer les conséquences dans tous les domaines du droit, sinon c’est une fois de plus l’accès au revenu des femmes que l’on diminue...
En conclusion, si le divorce sans faute s’inscrit donc dans une perspective égalitariste, il fait l’impasse sur la situation inégalitaire qui est celle de la majorité des couples. Une réforme du divorce de ce type ne peut pas s’envisager sans, en parallèle, des changements législatifs importants qui permettraient de rendre plus justes les conditions du mariage.
C’est pourquoi nous demandons que l’on s’attelle immédiatement à des réformes profondes et concertées qui permettraient de maintenir plus d’égalité entre les hommes et les femmes pendant le mariage :
- L’individualisation des droits à la Sécurité sociale, pour transformer progressivement les droits dérivés actuels en droits propres contributifs.
- L’individualisation de l’impôt des personnes physiques, notamment par la suppression progressive du quotient conjugal
- La multiplication de milieux d’accueil de l’enfance adaptés aux besoins
- Des campagnes de sensibilisation au partage des responsabilités familiales
- L’accès à un travail qui permette une réelle autonomie financière pour les femmes, ce qu’un travail à mi-temps permet rarement
- ...
Il nous semble d’autre part essentiel de sensibiliser notaires et officiers d’état civil à la nécessité d’informer les futurs époux sur les conséquences de la dissolution du mariage et, de manière plus particulière, sur chaque type de contrat de mariage existant.
Dominique Plasman
Secrétaire Générale des Femmes Prévoyantes Socialistes
FPS, 1-2, place St Jean, 1000 Bruxelles
02/515.04.01 / www.femmesprevoyantes.be/fps
Hafida Bachir
Présidente de Vie Féminine
Vie Féminine Mouvement féministe d’éducation permanente
111, rue de la Poste, 1030 Bruxelles
02/227 13 00 / www.viefeminine.be
Personnes de contact pour ce dossier :
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Françoise Claude, service Etudes des FPS - francoise.claude@mutsoc.be
Hafida Bachir - presidente-nationale@viefeminine.be