Pour une politique de soutien à la reconstruction des victimes

Communiqué de presse


« Où je me situe dans mon parcours de reconstruction ? Eh bien… j’ai toujours l’impression d’être en sang, d’attendre les secours et que finalement, il n’y a rien qui se passe et que, tout compte fait, je me sens comme si je devais limite m’excuser d’avoir vécu ce que j’ai vécu. Voilà … c’est un combat en permanence, en permanence, en permanence. »


Comme l’exprime avec force ce témoignage qui ouvre notre étude « Réparer les violences conjugales. Au-delà de la justice, une responsabilité collective », le processus de reconstruction qu’entame une victime lorsqu’elle quitte un partenaire violent est long, pénible et très peu soutenu au sein de notre société.

C’est pour se pencher sur cet « après », trop peu écouté et trop peu pensé, que Vie Féminine travaille depuis plus de deux ans sur la question. Quitter un conjoint violent est une étape compliquée, qui nécessite souvent plusieurs allers-retours et ce pour diverses raisons : emprise, dépendance économique, menaces sérieuses pour sa sécurité physique et celle des enfants, etc. Ce qu’on oublie souvent de dire, c’est qu’une fois le « dernier » départ acté, commence un réel parcours de la combattante. Se reconstruire après des violences prend des années. Et repose actuellement presque uniquement sur les épaules des victimes.

Ce qui ressort de notre étude en deux volets1, c’est tout d’abord la grande précarité des victimes. Nombre d’entre elles vivaient aussi des violences économiques au sein du couple et se trouvaient dépendantes de leur conjoint. Elles sortent très appauvries, et souvent isolées, de cette relation. Un nouveau départ coûte de l’argent. Ensuite, une séparation ne met pas un terme aux violences : au contraire, les violences post- séparation sont presque systématiques2 et les risques de passage à l’acte violent – notamment de féminicide – sont élevés. Souvent peu protégées face à ces violences, les victimes doivent mener de front plusieurs démarches administratives, juridiques, professionnelles, le tout dans un grand moment de vulnérabilité.
Il est urgent que l’Etat soutienne les victimes dans leur parcours de reconstruction et les multiples besoins que ce parcours recouvre. La lutte contre les violences fondées sur le genre est une responsabilité collective de nos sociétés et la protection de l’intégrité physique de ses citoyen.ne.s un devoir de l’Etat. Mettre en place les conditions favorables à un parcours de reconstruction relève de la prévention : permettre aux victimes de se reconstruire, de se réapproprier leur propre vie relationnelle et affective, c’est aussi leur permettre de reprendre une place active dans la société.

Dans la perspective des élections 2024, Vie Féminine plaide donc pour une réelle politique publique de soutien à la reconstruction des victimes de violences conjugales, pour une prise en charge globale et multidisciplinaire des besoins entourant la réparation et la reconstruction. Cette politique de soutien à la reconstruction mettrait à disposition des victimes une sorte de “pack reconstruction”, qui comprendrait, au minimum :

  • Une aide financière d’urgence, octroyée par l’Etat sous forme de don ou de prêt sans intérêt (à charge de l’auteur - il n’est pas question que la victime s’endette), en fonction des besoins exprimés par la victime afin de pouvoir couvrir les premières dépenses auxquelles elle fait face lors de son départ (garantie locative, premiers loyers, frais d’avocat, etc.). Cette aide pourrait être financée par un fonds d’aide aux victimes de violences, qui serait, entre autres, alimenté par les auteurs condamnés par la justice, et par l’Etat.
  • Un accompagnement juridico-socio-administratif gratuit ou à moindre coût, par des professionnel.le.s formé.e.s à la prise en charge des victimes et à la lecture genrée des violences masculines au sein de services multidisciplinaires. Ces centres ambulatoires et spécialisés, où les victimes peuvent trouver toute l’aide dont elles ont besoin en un seul lieu, existent déjà pour la plupart, mais devraient être refinancés en vue de prendre en charge l’accompagnement à la reconstruction sur le long terme.
  • Vingt séances gratuites avec un.e psychologue spécialisé.e, en individuel ou en groupe, comme cela existe déjà pour les victimes de violences sexuelles dans les CPVS.
  • L’accès immédiat à une adresse de référence anonyme le temps nécessaire, permettant aux victimes de rapidement délier les statuts qui les rattachent à leur ancien partenaire et faire valoir leurs droits individuels (en termes de mutuelle, chômage, fiscalité, etc.), sans être mise en danger en cas d’interception de courriers par l’ancien partenaire.
  • Un statut spécifique comprenant le repos et la possibilité d’une pause dans les processus d’activation durant un an, étant établi qu’au sortir d’une relation violente, la victime a besoin de temps, fait face à de nombreux traumatismes et est encore, souvent, victime de violences post-séparation.

Pour mettre un terme aux violences masculines, il est grand temps de commencer à penser la reconstruction des victimes. Rejoignez le cortège de Vie Féminine le dimanche 26 novembre 2023 à Bruxelles.

Contacts :
Laurence Wurtz, chargée de communication : communication@viefeminine.be / 0474 98 14 61
Léa De Ruyter, coordinatrice nationale :coordinatrice-nationale-ldr@viefeminine.be
Infos manifestation : https://www.facebook.com/events/779833070570781?

1 « Réparer les violences conjugales. Au-delà de la justice, une responsabilité collective » :
https://www.viefeminine.be/reparer-les-violences-conjugales /
« Se réparer, se reconstruire après des violences conjugales. Ce que les femmes en disent »
https://www.viefeminine.be/se-reparer-se-reconstruire-apres
2 Lire à ce sujet l’étude de Solidarité Femmes : « L’impossible rupture. Une étude sur les violences conjugales post-séparation ». Emmanuelle Mélan. Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal Comparé, Vol. 2, no.2, p. 489-503 (2019).

PDF - 184.6 kio


Nous avons besoin de votre soutien