Pas de soldes sur les congés familiaux !

Carte blanche

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Le gouvernement fédéral vient de boucler son budget pour l’année 2023. Il a décidé une limitation concernant le crédit-temps pour motif de “soin aux enfants”. Objectif de cette réduction : économiser 32 millions d’euros. Une mesure qui impactera principalement et directement les femmes : des “économies” sur leur dos, au détriment de la conciliation vie privée et vie professionnelle et de la prise en charge collective du soin aux autres !


Mardi 11 octobre, au terme d’une nuit étirée à son maximum, le nouveau budget fédéral 2023-2024 a été finalisé. Il comporte une série de mesures visant principalement à réaliser des économies dans différents secteurs, tout en considérant les défis à relever aujourd’hui : crise énergétique, économique, etc. “Nous ne lâchons personne !”, a affirmé notre Premier ministre. Vraiment ?!

Qu’en est-il des parents, et plus particulièrement des femmes, qui depuis trop longtemps galèrent à maintenir un équilibre entre vie privée et vie professionnelle ? Qu’en est-il de ces femmes qui superposent différentes casquettes (mère, travailleuse, aidante, taxi, etc.) au détriment de leur santé physique et mentale, au détriment de leurs besoins, de leur carrière et de leur autonomie économique ? Ne sont-elles pas “lâchées” au seuil d’une précarité et d’un isolement croissants ? Et à l’avenir, doivent-elles s’inquiéter de voir disparaître d’autres droits ? Nous savons que le congé parental, lui aussi, a fait l’objet de réflexions visant notamment à limiter ses indemnités.

Dans un rapport publié ce 13 octobre, l’agence européenne Eurofond, spécialisée dans les politiques sociales et liées au travail, révèle justement l’ampleur de l’impact genré de la pandémie du Covid-19 et l’aggravation des tensions pour les femmes entre vie “privée” et vie professionnelle. Maria Jepsen, directrice adjointe d’Eurofond, déclare : “La crise du Covid-19 a mis en lumière les disparités entre les sexes au travail et à la maison. Après la pandémie, nous avons la possibilité d’apporter un réel changement en abordant les normes de genre, les comportements et l’innovation politique. Il est crucial que les décideurs politiques […] accordent la priorité aux questions de genre tout en continuant à suivre de près et à évaluer les progrès.”

Aujourd’hui encore, ce sont majoritairement les femmes qui sollicitent les congés parentaux, toutes formules confondues : 63 % de femmes contre 37 % d’hommes (chiffres d’avril 2022). En Belgique, est-ce que nos décideurs et décideuses politiques s’engageront VRAIMENT pour ne lâcher personne ?

Congé parental, crédit-temps, de quoi s’agit-il ?

Dans le budget du gouvernement fédéral, c’est le crédit-temps qui est attaqué. Mais le congé parental était aussi menacé. Présentons brièvement ces droits (retrouvez aussi plus d’infos ici).

Le congé parental peut être pris par la/le travailleur/euse salariée pour s’occuper de ses enfants jusqu’à l’âge de 12 ans. D’une durée de quatre mois à temps plein, de huit mois à mi-temps, de 20 mois à 1/5e temps, ou de 40 mois à 1/10e temps, il est assorti d’une allocation de 845 euros net par mois pour un congé parental à temps plein.
En 2017, d’après les chiffres de l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes, les congés parentaux, toutes formules confondues, étaient pris à 68 % par les femmes et à 32 % par les hommes, mais à 80 % par les femmes en ce qui concerne le congé parental à temps plein.

Le crédit-temps pour motif de “soin d’autrui” peut aussi être pris par une travailleur/euse salariée pour s’occuper de ses enfants. Il peut également être pris pour fournir des soins palliatifs, une assistance médicale à une membre de la famille gravement malade, ou prendre en charge une enfant en situation de handicap de moins de 21 ans. Jusqu’à présent, ce congé pouvait être pris jusqu’aux 8 ans de l’enfant, pendant maximum 51 mois, que ce soit à temps plein ou à temps partiel, avec une allocation de 516,63 euros net par mois pour un crédit-temps à temps plein.

En 2017, les femmes représentaient 85 % des utilisateurs/trices de ce crédit-temps et, d’après l’ONEM, leur nombre augmente également beaucoup plus vite. Les chiffres de l’ONEM montrent aussi que ce crédit-temps est majoritairement utilisé par les femmes pour s’occuper d’une enfant de moins de 8 ans (92,2 % des cas en 2018).
C’est concernant ce deuxième dispositif, le crédit-temps pour “soin”, que des changements vont avoir lieu. En effet, à partir du 1er janvier 2023, il ne pourra plus être pris qu’avant les 5 ans de l’enfant, et pendant une période de 48 mois maximum.
Le même type de congé existe pour les fonctionnaires, il s’appelle “interruption de carrière”. Il a aussi été raboté : la durée totale d’interruption de carrière passera de 60 mois à 48 mois pour une enfant âgée de maximum 5 ans.

Quels impacts pour les femmes  ?
La “conciliation” des différents temps de vie reste un vrai casse-tête pour les femmes, sachant qu’elles assument encore majoritairement les responsabilités de soin aux autres(enfants, parents vieillissants, etc.), ainsi que la charge mentale qui y est liée. Et cette difficulté est d’autant plus conséquente pour certains publics, on pense notamment aux femmes en situation de monoparentalité, mais citons également les mères présentant une santé physique et/ou mentale affaiblie, les mères d’enfants en situation de handicap, etc.
Les contrats précaires, temps partiels subis, horaires décalés, petits salaires, sont le lot de nombreuses mères. Les femmes marchent sur un fil… qui s’effiloche chaque jour un peu plus. Une diminution des mesures de soutien aux familles aura un impact considérable et désastreux sur de nombreuses familles déjà en souffrance.

Que voulons-nous  ?
Il nous semble essentiel d’augmenter les allocations liées aux congés familiaux ! Ces indemnités ne sont déjà pas suffisantes aujourd’hui, alors comment imaginer les réduire demain ! Cela reviendrait à contribuer à la précarisation directe de nombreuses familles. Il importe au contraire d’augmenter les indemnités liées aux congés familiaux afin de garantir de véritables conditions d’accès à chaque famille.
Il importe également de diminuer l’impact sur les droits sociaux : en effet, les congés familiaux ont notamment un impact direct sur le calcul de la pension. Les femmes, de par leur trajectoire professionnelle plus sinueuse (temps partiels subis, etc.) que celle des hommes, affichent déjà une plus faible pension. Il importe de ne pas l’assécher davantage.
Par ailleurs, il est nécessaire de favoriser l’accessibilité des congés familiaux : la complexité des informations et les conditions d’accès liées à ces congés ne permettent pas à tous les parents d’en bénéficier. Par exemple, il faut travailler au moins une année complète pour pouvoir bénéficier du congé parental. Mais les femmes sont particulièrement concernées par les contrats précaires comme des contrats de remplacement, des CDD, etc., ce qui limite de fait leur accès à ce droit.
Il apparaît indispensable d’encourager une réelle responsabilité partagée du soin aux autres au sein du couple.
En plus d’un encouragement financier (augmentation des indemnités liées aux congés familiaux), il importe enfin de lutter contre les rôles sociaux stéréotypés et le poids des normes professionnelles genrées.
Il est urgent de répondre aux besoins des familles et de contribuer à la construction d’un véritable équilibre entre les différents temps de vie pour tous et TOUTES !

Personnes de contact :
Laetitia Genin, coordinatrice nationale de Vie Féminine, coordinatrice-nationale-lg@viefeminine.be / 0474 98 30 73
Soizic Dubot, coordinatrice nationale de Vie Féminine coordinatrice-nationale-sd@viefeminine.be / 0474 980 153

Cette carte blanche de Vie Féminine a été initialement publiée sur le site du magazine Axelle :
https://www.axellemag.be/conges-familiaux-rabotes-carte-blanche-vie-feminine/

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