Congés familiaux : de gros cailloux dans la chaussure du gouvernement De Croo ?

Carte blanche - 17/02/2023

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A partir ce 1er février, les crédits temps pour motifs familiaux ont concrètement été rabotés. Actuellement, les congés familiaux sont à nouveau dans le viseur via les négociations sur la réforme des pensions et les (non) assimilations pour la pension minimum.


Depuis le début de ce mois de février, les nouvelles règles concernant le crédit temps sont entrées en vigueur (1). La durée maximale de ce crédit-temps sur l’ensemble de la carrière, a été réduite de trois mois pour prendre soin d’une enfante, et les parents souhaitant user de ce dispositif à temps plein ne peuvent plus le faire que jusqu’au cinq ans de l’enfant (contre 8 ans auparavant). Les conditions d’accès ont été durcies, et les allocations auxquelles il donne droit revues à la baisse. Ce rabotage orchestré par le gouvernement fédéral en vue de réaliser de maigres économies aura un impact délétère sur de nombreux parents, particulièrement sur les femmes. Cette attaque envers l’une des mesures vitales permettant un tant soit peu de concilier vie professionnelle et vie privée était déjà inadmissible en elle-même.

Et aujourd’hui, les congés familiaux sont à nouveau dans le viseur du gouvernement fédéral, via les discussions sur leur (non) assimilation pour la pension minimum. A ce stade des discussions, si les congés de maternité et d’allaitement sont bien censés être comptabilisés comme du travail effectif permettant d’accéder à la pension minimum, ce n’est pas le cas de tous les congés dits thématiques. On parle ici des congés parentaux, crédits temps et autres congés de soin. Selon les derniers chiffres disponibles (décembre 2022), les femmes représentent 55% des personnes ayant recours à un crédit-temps, 65% de celles optant pour un congé parental et même 77% des aidantes-proches (2).

Rien d’étonnant dans une société qui fait encore reposer le soin aux autres – le care – majoritairement sur les épaules de femmes, de manière gratuite ou à moindre coût. La pandémie mondiale que nous avons traversée a mis en lumière à quel point prendre soin des autres est une activité fondamentale de toute société. Elle a révélé l’urgence de construire une société de soins partagés, une société où les soins aux autres sont une responsabilité non seulement collective, mais aussi la première des responsabilités. Force est de constater que le retour au « business as usual » a entravé toute volonté de changement de paradigme.

Des dispositifs comme les congés familiaux constituent une des conditions nécessaires, mais loin d’être suffisante pour atteindre cette société de soins partagés. Dans leur forme actuelle, ces régimes indispensables pour beaucoup laissent déjà de côté de nombreux parents, : mamans solos, travailleuses à faible revenu… Dans les couples hétérosexuels à double revenu, ces régimes encouragent les mères à prendre ce type de congé tout en décourageant les pères de le faire. Quant à celles (et parfois ceux) qui les prennent, avec ces réformes et discussions en cours, elles se trouveront doublement pénalisées : au moment même où elles optent pour ces congés, très mal rémunérés, et plus tard, en termes de droits sociaux, comme l’accès à la pension minimum. Dans son récent rapport sur la participation des femmes sur le marché du travail, le Conseil supérieur de l’Emploi (3) pointe l’impact de ces régimes qui, certes « permettent aux mères de rester en emploi » mais, en l’état actuel des choses, « ont aussi des effets négatifs sur les carrières en ce qu’ils réduisent l’expérience professionnelle accumulée et donc la rémunération ». « L’usage essentiellement féminin de ce type de dispositif tend donc à renforcer les écarts de genre », résume, sans ambiguïté, le rapport.

Pour faciliter une meilleure conciliation, et réduire les écarts de genre, nous demandons au gouvernement De Croo des congés familiaux correctement rémunérés, permettant à l’ensemble des parents de faire face aux charges familiales sans se fragiliser. Des congés pleinement assimilés en sécurité sociale, ne pénalisant ni l’emploi, ni leur pension des, et garantissant une autonomie financière tout au long de la vie. Nous rappelons en ce sens que cette coalition s’est engagée, dans son accord de gouvernement (4) , à « réformer le congé parental et les autres régimes de congés pour les parents afin de permettre une répartition plus équilibrée entre les hommes et les femmes, de l’accueil et des soins aux enfants », à « permettre aux familles monoparentales de concilier plus facilement vie professionnelle et vie familiale » et à « prendre en compte les inégalités entre hommes et femmes et les réduire autant que possible » dans le cadre de la réforme des pensions. Aujourd’hui, nous ne voyons rien avancer en ce sens, que du contraire.

Reste au gouvernement à nous démontrer que ces congés familiaux ne sont pas de gros cailloux gênants à sortir de sa chaussure budgétaire, mais l’une des pierres angulaires d’une société de soins partagés, égalitaire et solidaire.

Signataires :
Vie Féminine
Soralia (anciennement Femmes Prévoyantes Socialistes)

Cette Carte blanche a été publiée par le journal Le Soir le 17/02/2023


(1) Lire :https://www.axellemag.be/conges-familiaux-rabotes-carte-blanche-vie-feminine/
(2) Statistiques Onem 2022 - https://www.onem.be/sites/default/files/assets/presse/IC_CT/Chiffres_ICCT-12-2022.pdf
(3) CSE, rapport « La participation des femmes au marché du travail », janvier 2023 - https://cse.belgique.be/fr/accueil/rapports-avis/rapports-2023/la-participation-des-femmes-au-marche-du-travail-janvier-2023/
(4) Accord de gouvernement, 30/09/2020 - https://www.belgium.be/fr/la_belgique/pouvoirs_publics/autorites_federales/gouvernement_federal/politique/accord_de_gouvernement


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