LETTRE OUVERTE Aux Président-e-s des partis francophones les invitant à se positionner sur la création d’un Ministère des Droits des Femmes au niveau fédéral


LETTRE OUVERTE
Aux Président-e-s des partis francophones
les invitant à se positionner sur la création d’un Ministère des Droits des Femmes au niveau fédéral

Madame la Présidente,
Monsieur le Président,

Le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, Vie Féminine a rassemblé plus de 600 femmes à Bruxelles. Lors de cette journée, nous avons rappelé, que même si les droits des femmes et des hommes sont théoriquement égaux dans la loi, il reste beaucoup de luttes à mener pour qu’ils soient effectivement accessibles aux femmes.

Dans la perspective des élections du 25 mai, Vie Féminine s’est également engagée à poursuivre son combat pour mettre à l’agenda politique la question des droits des femmes.

C’est dans ce cadre que nous rappelons notre revendication pour la création d’un Ministère des Droits des Femmes au niveau fédéral. Des femmes engagées dans les principaux partis francophones, dont le vôtre, soutiennent déjà cette revendication.

Cette lettre ouverte a comme principal objectif de connaître la position de votre parti au sujet de la création d’un Ministère des Droits des Femmes.

Nous vous invitons à prendre connaissance ci-après des raisons pour lesquelles Vie Féminine revendique un Ministère des Droits des Femmes :

  • Sur le terrain, dans le contact avec les femmes, nous sommes constamment confrontées aux problèmes qu’elles rencontrent pour faire appliquer leurs droits : droits sociaux et droit au travail, situations de violence, accès à la santé, aux services de proximité (notamment les places d’accueil ou les maisons de repos), droits liés à la famille, etc. Plus globalement, de nombreux dossiers concernant les femmes évoluent trop lentement : créances alimentaires, lutte contre les violences, individualisation des droits en sécurité sociale, prise en compte des charges familiales, sexisme au quotidien, prise en compte des spécificités de genre dans les politiques d’asile, garantie d’accès à l’avortement et à la contraception, etc. Derrière ces dossiers laissés en souffrance, il y a de nombreuses femmes dont les droits sont bafoués, dénigrés, rendus invisibles.
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  • Les obstacles sont nombreux : législations insuffisantes, pressions exercées par les institutions, mesures qui ne prennent pas en compte les inégalités structurelles et les réalités de vie des femmes, stéréotypes sexistes et illusion trompeuse que l’égalité entre hommes et femmes est désormais acquise, etc. Parfois les femmes ne sont pas suffisamment informées de leurs droits ou ceux-ci sont éclatés entre différents niveaux. Mais dans le contexte actuel de crise et d’austérité généralisée, ces droits sont aussi menacés, voire grignotés, et ils passent souvent au second plan, comme s’ils devenaient moins légitimes ou moins urgents.
  • Nous savons évidemment qu’il existe déjà un Ministère de l’Égalité des Chances qui travaille sur plusieurs dossiers et qui, ces dernières années, a permis d’engranger certains résultats : plan national contre les violences, loi sur le « gender mainstreaming » et son application, projet de loi pénalisant le sexisme. Mais un Ministère de l’Egalité des Chances est loin de bénéficier de la légitimité, des moyens et de la visibilité nécessaires pour agir réellement sur la vie des femmes et sur toute la société. En effet, malgré le développement d’un grand nombre d’outils (législations, sensibilisation, formation, études et statistiques), la « politique d’égalité des chances » n’a toujours pas réussi à imposer une prise en compte systématique des inégalités structurelles entre hommes et femmes à tous les niveaux politiques. Un certain nombre de réformes engagées par l’actuel gouvernement (réforme du chômage, des pensions, etc.) nous l’a encore une fois démontré.
  • De plus, ces dernières années, les politiques d’égalité se transforment de plus en plus en politiques de « diversité ». Celles-ci noient les femmes parmi d’autres catégories discriminées : handicapé-e-s, immigré-e-s, homosexuel-le-s,... Or nous ne rappellerons jamais assez que les femmes ne sont pas une minorité ; elles sont la moitié de l’humanité. C’est pourquoi les inégalités qui les concernent doivent recevoir une visibilité et une attention renforcée.
  • De plus en plus de signaux nous montrent que les progrès vers l’égalité des sexes sont en panne ou même menacés de recul. Or ces progrès – qui sont profitables en réalité à toute la société – ne sont pas naturels, ils doivent nécessairement être portés par un engagement fort de nos élu-e-s et gouvernements !
  • Pour toutes ces raisons, nous appelons à la création d’un Ministère des Droits des Femmes de plein exercice doté de moyens suffisants pour intégrer dans toute politique une attention aux impacts sur les droits des femmes et un objectif de réduction des inégalités structurelles. Ce ministère aurait aussi l’avantage de donner une plus grande visibilité à ces problématiques dans l’espace public et pourrait développer des stratégies concrètes et efficaces pour faire aboutir enfin les dossiers les plus urgents en collaboration avec les autres ministres du gouvernement. Et enfin, il est pour nous essentiel que le Ministère des Droits des Femmes s’appuie sur les expertises existantes au sein de l’Institut de l’Egalité des Femmes et des Hommes.

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  • Tout état devrait avoir un mécanisme chargé de la promotion de la femme, qui soit la principale entité de coordination des politiques nationales. De tels mécanismes ont pour tâche essentielle d’appuyer l’intégration de la problématique hommes-femmes dans tous les secteurs et dans toutes les entités de l’État. Pour fonctionner efficacement, ces mécanismes nationaux doivent réunir les conditions ci-après :

a) Être situé au niveau le plus élevé possible de l’État et relever directement d’un ministre.

b) Être un mécanisme ou dispositif institutionnel qui facilite, comme il convient, la décentralisation de la planification, de l’exécution et du suivi en vue d’assurer la participation des organisations non gouvernementales et des collectivités depuis la base jusqu’au sommet.

c) Disposer de ressources financières et humaines suffisantes.

d) Pouvoir influer sur l’élaboration de toutes les politiques du gouvernement.

Extrait de « H. Mécanismes institutionnels chargés de favoriser la promotion de la femme », in : Déclaration et Programme d’action de Beijing, 4e Conférence Mondiale sur les Femmes, ONU, 1995, p. 89-95, § 201.

Nous restons évidemment à votre disposition pour toute explication complémentaire au sujet du contenu de ce courrier.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, l’assurance de notre considération distinguée.

Hafida Bachir
Présidente nationale
Vie Féminine asbl
T. : 02 227 13 01
presidente-nationale@viefeminine.be
www.viefeminine.be


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